Toute ressemblance entre Lebecq et Mélenchon ne serait pas fortuite

« Les lèvres en lame de couteau, de vilaines dents jaunies par le tabac, ses yeux de poisson mort légèrement bridés donnaient à son visage l’humanité d’un Khmer rouge. Mauvais comme la peste, le menton en permanence pointé vers l’avant et le doigt accusateur dès qu’il ouvrait la bouche, le stalinien dans l’âme qu’il était resté ne souffrait pas la contradiction. Qu’elle provienne de son propre camp ou de ses adversaires politiques, qu’il considérait comme autant d’ennemis. Une posture ontologique puisqu’il aimait à parler de sa personne en ces termes : « La République, c’est moi. S’en prendre à ma personne, c’est l’attaquer. » Il est vrai qu’elle s’était montrée bonne fille avec lui. Cumulard hors concours, dénué de tout scrupule, il vivait sur la bête depuis trente ans à travers les innombrables mandats qu’il avait exercés ou exerçait encore.

Il avait commencé sa carrière de dinosaure au Parti socialiste. Son heure de gloire sonna le jour où il décrocha un strapontin de sous-secrétaire d’État à la Formation professionnelle au sein d’un gouvernement dirigé par un ex-trotskiste. Mais il comprit très vite qu’il ne se hisserait jamais au sommet de l’appareil du PS, qu’il était condamné à jouer les éléphanteaux parmi les éléphants socialistes, qui voyaient d’un mauvais œil ses vestes à col Mao, et qu’exaspérait son agressivité pathologique.

Vexé de ne pas voir son immense talent reconnu à sa juste valeur, il amorça un virage à gauche toute. Il se mit à « rougir » peu à peu son discours et, un beau matin, reprocha à ses camarades socialistes, soudain trop roses à ses yeux, d’avoir abandonné la classe ouvrière : « Les tourneurs, les fraiseurs, les métallos sont orphelins de la gauche de Jaurès et de Blum. Le Parti socialiste est devenu un parti de notables qui n’incarne plus que la défense des intérêts de la petite-bourgeoisie. » Il organisa dans la foulée la tournée des dernières dictatures communistes d’Amérique du Sud. Son objectif ? Y gagner ses galons de professionnel de la révolution. À son retour, il se déclara profondément ému par l’accueil de Fidel Castro. « Un accueil digne de celui qu’il réserve habituellement à ses homologues chefs d’État étrangers », pérora-t-il. En guise de remerciements, il couvrit d’éloges le régime cubain à la manière d’un Maurice Thorez louant Staline de retour d’un de ses nombreux voyages au pays des Soviets. Avant de confesser s’être laissé pousser la barbe en hommage au Lider Maximo. Ce qui lui valut dans la presse le sobriquet de « Lider Minimo ». Mais réussit à convaincre de la pureté de ses idées révolutionnaires les militants d’un microparti d’extrême gauche qui l’élirent à l’unanimité comme leur nouveau guide spirituel. Une bonne affaire pour eux puisque sa petite notoriété les sortit en quelques mois de leur profond anonymat. Et une excellente affaire pour lui. Il se retrouvait enfin à la tête d’un parti, qu’il baptisa “La cause du peuple”. Et, en bon chef d’entreprise, le fit rapidement grossir en mettant la main sur deux groupuscules nostalgiques de la révolution d’Octobre. Des purs et durs, leurs militants se donnant du camarade à qui mieux mieux, comme au bon vieux temps de l’Internationale communiste. La révolution avait encore de beaux jours devant elle.

Hélas, les sondages indiquèrent que son OPA sur l’extrême gauche avait laissé de marbre les classes laborieuses. L’adorateur de la Révolution cubaine se retrouva finalement à la tête d’un parti recueillant moins de 5 % d’intentions de vote. Sous le seuil fatidique de remboursement des frais d’une campagne présidentielle. Lebecq s’était rêvé en Che Guevara tricolore. Il n’avait oublié qu’une chose : depuis Soljenitsyne et la chute du mur de Berlin, le prolétariat français savait à quoi s’en tenir sur le communisme : un enfer pavé de bonnes intentions. Sur le Parti socialiste et la gauche radicale également. Leur vision individualiste et multiculturaliste de la société n’aspirait qu’à le rayer définitivement du paysage électoral et démocratique.

Jamais à court d’idées dès que son avenir politique était en jeu, le chef de La cause du peuple jeta alors son dévolu sur un électorat de substitution. Celui sur lequel s’était rabattu le Parti socialiste depuis que les classes populaires avaient pris leurs cliques et leurs claques et s’en étaient allées voter pour le Parti français de Marcel Le Borgne : les minorités. Mais une catégorie particulière, la plus importante par le nombre et l’homogénéité, devint l’objet de toutes ses attentions : les musulmans de France. Un peuple dans le peuple. Pour leur témoigner son amour, il ne fit pas dans la dentelle. L’ex-trotskyste n’était pas du genre à s’embarrasser de scrupules lorsqu’il partait à la pêche aux électeurs. Il laissa au vestiaire l’universalisme républicain, dans lequel il s’était drapé toute sa vie, pour embrasser la cause du communautarisme le plus ravageur. Ainsi, ne voyait-il aucune raison de distinguer l’islamisme de l’islam, le musulman intégriste du musulman pacifique. Pour lui, tout était bon dans l’islam. L’islam conquérant du Sultan turc Radovan 1er, qui comparait les mosquées à des casernes et les minarets à des baïonnettes ; l’islam révolutionnaire des Frères musulmans ; l’islam édulcoré de la Haute assemblée des musulmans de France ; l’islam rigoriste des pays du Golfe. Tous n’étaient que des variants éminemment respectables de l’islam. De même, tout était bon dans le Coran. Que certaines sourates appellent à châtier les mécréants, qu’elles punissent de mort l’apostasie, et considèrent que la femme ne pouvait sortir de chez elle qu’avec la permission de son mari, n’était qu’affabulations, interprétations erronées du livre sacré de paix et d’amour du Prophète. Et, argument d’autorité suprême, qu’il sortait à tout bout de champ pour clouer le bec de ses détracteurs, de tels propos relevaient de l’islamophobie. Une menace à peine voilée, bien dans son genre. L’islamophobie étant désormais un délit condamné par la loi. Cependant, la véritable menace n’était-elle pas plutôt à chercher du côté de la dérive islamique d’une frange croissante de musulmans, en sécession ouverte avec la France ? Sourd et aveugle à la réalité, n’ayant d’yeux que pour ses électeurs musulmans, il déclarait au contraire : « Honte à ceux qui font l’amalgame entre une poignée d’éléments radicaux qui se comptent sur les doigts de la main, et l’immense majorité des musulmans, qui, elle, ne demande qu’à pratiquer leur religion en paix. Ceux qui stigmatisent les musulmans sont les vrais extrémistes. »

En roue libre, Lebecq ne pardonnait désormais plus rien à la France. À ses militaires : « D’indécrottables putschistes en puissance. » À sa police : « Raciste par nature et responsable du climat d’insécurité dans le pays. » À ses institutions en général : « Une machine de guerre dirigée contre les pauvres, les minorités et les étrangers. » En revanche, aux musulmans il pardonnait tout. Lèche babouches de compétition, il se faisait volontiers photographier bras dessus, bras dessous avec des imams. De même, il ne se faisait jamais prier pour manifester, aux cris de « Allah Akbar », contre l’islamophobie et les innombrables discriminations dont certains musulmans s’estimaient victimes. Son écharpe tricolore en bandoulière, il s’affichait crânement aux côtés d’associations islamistes telles que les Frères musulmans, qui prônaient ouvertement l’instauration en France d’une République islamique. Ce qui n’était plus qu’une question de temps pour leur guide suprême : « Nous coloniserons la France grâce à sa religion des droits de l’homme. Nous la soumettrons grâce aux lois coraniques de l’islam. » C’est ainsi que monsieur « La République, c’est moi » s’était transformé, toute honte bue, en Commandeur des croyants. Une dérive sectaire et antirépublicaine récompensée par son élection haut la main comme député d’une circonscription de Seine-Saint-Denis. Et quelle circonscription ! Elle avait connu l’exode de 90 % de sa population juive. Un phénomène si massif que même Radio Paris, la radio nationale adoratrice de la diversité, s’en était émue en feignant de s’interroger sur sa cause. Il ne fallait pas s’y tromper. L’élection de Lebecq dans ce territoire perdu de la République était avant tout une démonstration de force de la part des imams et des associations musulmanes. Lebecq se les était mis dans la poche à coup de promesses clientélistes. Ces derniers avaient désormais autant d’influence sur le vote de leurs ouailles que les communistes, jadis omniprésents dans les cités, en avaient eu jusqu’au début des années 80.

Jamais à une contradiction près dès lors qu’elle servait ses intérêts, lui, le grand pourfendeur du Grand Remplacement, « cette théorie nauséabonde et ce fantasme de raciste », comme il l’appelait, en avait fait son fonds de commerce électoral. Plus fort encore, le laïc autoproclamé et le bouffeur de curés qu’il se piquait d’être, déroulait le tapis rouge à la seule religion qui, en ne distinguant pas le spirituel (religieux) du temporel (politique), se plaçait de fait au-dessus des lois de la République française.

Avec un pedigree pareil, le député de Seine-Saint-Denis faisait les délices de la « fachosphère ». Des photomontages le représentaient tantôt la tête couverte d’un kufi, le bonnet des musulmans, tantôt déguisé en moukère portant l’abaya, en guise d’illustration à ses déclarations d’amour à la communauté musulmane. Mais aussi de ses sorties récurrentes appelant à la disparition du peuple français, dont la plus tonitruante avait même été reprise par la presse officielle : « Il faut en finir avec l’expression Français de souche. Les petits Blancs sont appelés à disparaître au gré des mariages mixtes qui vont se multiplier et de l’immigration qui va s’amplifier. C’est le sens de l’Histoire : l’Europe va s’arabiser et s’africaniser, et c’est tant mieux. Ce sera pour elle une nouvelle Renaissance. » Ce suppôt de l’islam n’avait même pas compris que le port du hijab imposé à la femme musulmane signifiait que le mâle musulman ne voulait pas la partager et refusait par conséquent ouvertement le métissage. Une endogamie diamétralement opposée à l’universalisme français, qu’il disait autrefois défendre, et caractéristique du suprémacisme islamique. La démographie aidant, les musulmans n’avaient qu’à attendre leur heure pour devenir majoritaires en France. Alors l’islam, « en tant que religion ayant vocation à régir toutes les sphères de la vie sociale », comme l’avait reconnu l’un de ces imams, pourtant présenté comme un modéré, pourrait s’imposer et faire prévaloir la charia en France. »

Etienne Bosquet

L’élection de la dernière chance