Tunisie : grossesses et sida, gratification divine du jihad de fornication ?

 Sous le titre « Le retour des victimes du  jihad de fornication  a mis à découvert ce qui était caché : le scandale », un article du journal tunisien al-Shourouk du 22 septembre 2013 tire à boulets rouges sur les salafistes (1). Ils y sont responsables d’avoir endoctriné, embrigadé  puis conduit des centaines de femmes tunisiennes pour exercer le jihad de fornication en Syrie. Il s’agit d’une prostitution, religieusement halal, pour soutenir l’ardeur au combat des moujahidines, les combattants d’Allah. Voici cet article dont la première partie est d’al-Habib al-Misâwi et la seconde de Mouna Albouaziz. 

Al-Habib al-Misâwi :

Celui qui observe l’affaire des jeunes filles tunisiennes qui ont été abusées par ce qui est maintenant bien connu sous le nom de « jihad de fornication » en Syrie conclut  que la Tunisie est ciblée dans deux institutions centrales : la condition féminine et l’enseignement.

Demeure la question essentielle : qui se cache derrière cette dangereuse pénétration de la société tunisienne et cherche à saper ses fondamentaux religieux, culturels, en visant la femme, force d’avant-garde qui a représenté et représente le symbole le plus flagrant du développement auquel est parvenue la société tunisienne ?

Les forces obscurantistes  et tout précisément les courants du salafisme jihadiste ont développé une phraséologie déformée extrêmement dangereuse pour capter les esprits de celles dont la culture et l’expérience sociale sont faibles afin de frapper à mort la société tunisienne. Ce que la femme tunisienne a acquis en gains et en droits lui a permis de devenir une force de progrès dans toutes les catégories et tous les groupes tunisiens. L’hostilité instinctive que nourrissent les courants salafistes jihadistes, à l’instar des partisans de la charia en Tunisie, contre le progrès, la liberté, l’émancipation traduit réellement des intentions vicieuses qui ont transformé des centaines de tunisiennes en un corps au service des commerçants de la religion et des vauriens de l’extrémisme qui insufflent à ce corps  l’odeur du sang des innocents dont ils ont profané les âmes sur le champ du carnage et de la torture.

Il est clair que ceux-là n’ont d’autres exutoires à leur agressivité pathologique et à  leur déviationnisme religieux que les âmes des innocents et des jeunes femmes en marge de la société. Lamia’, Mounia, Hanân ne sont que les victimes d’une pensée fasciste nihiliste d’un groupe de désaxés qui ont échoué à se réaliser dans une société libre pour se transformer en bêtes féroces et aboutir à des états pathologiques ennemis de l’humanité.

Sur la route qui lie la capitale à Bizerte se trouve la maison de Lamia’. De l’extérieur, la maison est comme toutes les autres maisons tunisiennes. … Mais tu sens l’odeur de la tristesse dès que tes pas en franchissent la porte. Même l’aboiement du  chien couché dans la cour s’est transformé en hurlement de douleur pour la jeune femme recluse à l’intérieur.

L’histoire de Lamia’ a commencé alors qu’elle avait dix-neuf printemps qui se sont  transformés en dix-neuf automnes. Elle s’est en effet exposée à l’humiliation, pour elle-même et pour son corps, sous l’influence d’un missionnaire (dâ’i, داعي) d’un canal [satellitaire] religieux qui tournait en dérision l’islam des Tunisiens et leur compréhension de la religion. Elle s’est confrontée en 2011 à une personne qui l’avait convaincue que sa façon de se vêtir était du vice et que sa sortie dans la rue était  illicite. Lamia’ ne connaissait rien à la religion. Elle a cru que les paroles de cette personne étaient la religion et qu’elle devait appliquer ses fatwas à la lettre si elle voulait aimer Allah.

Ce qui est clair, c’est que Lamia’ s’est transformée en « esclave », qu’elle est devenue la propriété de cette personne qui n’a cessé de l’entraîner au service de son projet salafiste jihadiste nihiliste.

Lamia’ a été convaincue que la femme peut participer au jihad pour mater les ennemis de l’islam en divertissant les hommes après les raids, son corps devenant  leur propriété dès que l’un de ces obscurantistes décide de vider en elle la totalité de son complexe sexuel.

La guerre en Syrie a atteint son apogée et l’esprit de Lamia’ est devenu une pâte dont son cheikh fait ce qu’il veut pour lui faire abandonner la maison familiale, quitter la terre tunisienne en direction de la ville libyenne de Benghazi, puis de Turquie pour un périple qui se terminera à Alep, ville de Syrie.

Lamia’ a été surprise de découvrir le nombre de femmes et de jeunes filles qui résident dans un ancien hôpital transformé en camp pour les moujahidines de l’interdit et du plaisir. Elle a été accueillie par un émir qui s’est dit tunisien et qui s’appelle Abou Ayyoub al-tounsi. Mais le chef réel du camp est un Yéménite qui dirige un groupe armé qui a pris comme nom  La légion d’Omar. C’est lui qui a joui, le premier, de la nouvelle arrivée, Lamia’.

Lamia’ ne connaît pas le nombre des désaxés qui l’ont pénétrée, mais, à chaque rapport sexuel, elle en percevait bien le sens, l’humiliation de sa dignité humaine entre les mains de bêtes féroces qui n’hésitaient pas à utiliser la violence pour la contraindre à pratiquer le sexe, violence qui n’avait d’autre but que d’abaisser la femme, d’outrager sa personne et de dégrader son humanité.

Lamia’ a pratiqué le sexe avec des Pakistanais, des Afghans, des Libyens, des Tunisiens, des Irakiens, des Saoudiens, des Somaliens (2). Son corps s’est  transformé en un corps « multinational » et l’enfant qu’elle porte dans ses entrailles est un enfant sans identité ni filiation, et demain, s’il voit le jour, il sera un enfant sans père (3).

Lamia’ a vu dans les camps de l’obscurantisme des femmes et des jeunes filles qui ont été kidnappées pour assouvir les désirs sexuels d’hommes qui ne se définissent que par une main prête à tuer et un organe sexuel prêt à  anéantir la fierté de la femme et à la ramener dans les cavernes de la vie primitive et préislamique.

Lamia’ a rencontré des Tunisiennes originaires des villes de Kasserine, el-Kef, Hay el-Tahrir, el-Mourouj, Bizerte, Gafsa, Sfax. Elle dit que l’une d’elles est morte des suites de  tortures car elle a voulu, tout simplement, chercher à fuir. Mais le vrai drame, c’est celui que vit Lamia’ aujourd’hui.

Lamia’ est rentrée en Tunisie. A peine arrivée aux frontières de Ben Guerdane , elle  a été interpellée en raison de la déclaration de disparition présentée par sa famille à Tunis. Lors de son interrogatoire, elle a déclaré qu’elle était en Syrie avec plusieurs autres femmes et jeunes filles et qu’elle avait voyagé pour le jihad de fornication. Lamia’ a subi des analyses médicales qui ont confirmé qu’elle était atteinte du SIDA. D’autres examens médicaux ont montré qu’elle était enceinte de cinq mois et que l’enfant était atteint de la même maladie.

Lamia’ a été rendue à sa famille qui a décidé de l’isoler dans une chambre de la maison qui se trouve dans un village rural sur la route reliant la capitale à Bizerte. Les membres de la famille espèrent que le drame de Lamia’ se terminera par sa mort avant qu’elle ne mette au monde son enfant.

Lamia’ avait des rêves que les démons de la religion ont transformé en cauchemars parce que, tout simplement on lui a fait croire que le terrorisme a des droits sur son corps.

Reste à l’État à répondre à la question suivante : « Et si la Tunisienne demande : « Pour quelle faute ai-je été tuée ? ».

Mouna Albouaziz :

La Responsabilité des imams des mosquées

L’ancien mufti Othmân Battikh fut le premier parmi ceux qui ont sonné l’alarme face au  phénomène des grossesses consécutives au jihad de fornication en Syrie. Il en a payé le prix : il a été écarté de son poste. Nous avons dialogué avec lui sur les derniers événements graves relatifs à ce sujet qui figure à la Une de la presse internationale.

Cet ancien mufti de la République tunisienne a déclaré au journal al-Shourouk que les familles tunisiennes devaient être vigilantes face à la propagation de ce phénomène dangereux  et surveiller le comportement de leurs enfants pour les protéger du lavage de cerveau auquel s’exposent nos jeunes de la part des tenants d’une  pensée radicale. Dans ce cadre, il a déclaré : « Ce qui me tracasse dans cette affaire, c’est que les victimes du jihad de fornication sont des filles très jeunes qui n’ont ni capacité ni force ». Le cheikh Othmân Battikh a affirmé que « les tenants de la pensée wahhabite exploitent les victimes en leur faisant croire que le paradis sera leur sort  et qu’elles seront gratifiées pour ce qu’elles font. Car ce qu’elles font est considéré comme une variante du jihad sur la voie d’Allah ». El il a ajouté qu’en plusieurs circonstances il a mis en garde contre le danger que représente le voyage des Tunisiennes en Syrie et l’ouverture des frontières pour elles. Mais cette mise en garde n’a pas trouvé d’oreilles attentives  et l’autorité de surveillance s’est tue, ce qui a entraîné des dizaines de jeunes filles à payer le prix de cette idéologie qui a généré une grande catastrophe en Tunisie.

Pour faire face à ce dangereux phénomène qui a fait des ravages dans la société par  le retour de plus d’une centaine de Tunisiennes enceintes après des rapports sexuels avec un grand nombre de combattants en Syrie, le cheikh Battikh a dit : « Il incombe à chaque imam de chaque mosquée de combattre ces idées du haut de son minbar (chaire) ». Et il a encore dit : « J’affronterai ces idées par mes prêches à la mosquée et par mes écrits. ».

Nous traduirons en justice al-Khadimi

Le secrétaire général du syndicat des imams,  Fadel ‘Achour, a déclaré au Shourouk  qu’il a « porté plainte officiellement, par deux procédures, contre Nour-el-Dîne al-Khadimi, ministre des Affaires Religieuses, pour la protection qu’il a apportée aux imams qui ont émis les fatwas du jihad de fornication qui a touché un nombre important de Tunisiennes qui sont rentrées au pays enceintes. Nous le considérons comme la cause de cette catastrophe ». Et il a ajouté  que « l’autorité de surveillance, responsable aussi de ce scandale, doit supporter les conséquences de son silence sur la propagation de l’idéologie wahhabite dans les mosquées ». ‘Achour a ajouté que le syndicat avait mis en garde le ministre sur le danger de l’expansion de la pensée wahhabite et des idéologies extrémistes et  jihadistes et la prise en main de centaines de mosquées par les terroristes. Mais les conseillers du ministre protégeaient ce groupe désorienté qui ne sert que ses propres intérêts. A chaque fois, nous demandions d’arrêter cette hémorragie de nos enfants envoyés en Syrie, au Mali, en Afghanistan et dans d’autres pays du monde et ce dernier malheur qu’a été le retour de dizaines de nos filles enceintes. Le secrétaire général du syndicat des imams a confirmé qu’il lance une campagne dans toutes les mosquées de la République sous le slogan « Non au wahhabisme ». Il demandera à tous les cheikhs et imams de soutenir ce mouvement afin de redonner à la femme  tunisienne son aura dont l’honneur et la dignité ont été bafoués, et cela dans tous les médias internationaux. Car le Ministère des Affaires Religieuses a échoué à diriger ses mosquées et ses écoles coraniques. Et il a ajouté qu’il incombe à tout responsable de l’autorité de surveillance, qui a plongé dans ce scandale, de supporter les conséquences de ce qu’il a commis. Nous ne tairons plus jamais ces abus.

Traduit de l’arabe

  par Bernard Dick

(1) Résistance Républicaine a appelé récemment à la signature d’une pétition afin de réclamer la dissolution des réseaux de l’UOIF, du salafo-wahhabisme et de toutes les associations-écrans islamiques incompatibles avec notre République et ses fondamentaux. Vous pouvez signer à ce lien .

(2) On peut remarquer qu’il n’y a pas de Syriens dans cette liste.

(3) Dans la pratique de l’islam, la filiation se faisant pas l’homme seul, l’enfant né de père inconnu n’a ni identité ni existence légale. Il est apatride. C’est le cas par exemple des enfants nés de femmes ayant accepté « un mariage de plaisir » temporaire (NDT).

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