Un certain Ludwig est né il y a 250 ans…

Pour commencer, quelques indices sur le personnage :

  1. Il est né à Bonn, le 15 ou le 16 décembre 1770 ;
  2. Il a appris la musique avec son père ;
  3. Il a commencé à perdre l’ouïe en 1796 ;
  4. Il n’a jamais entendu ses dernières œuvres ;
  5. L’une de ses compositions sert d’hymne à l’UE ;
  6. Il est mort le 26 mars 1827 à Vienne.

Si vous avez trouvé dès le premier indice, vous avez 5 points, 4 pour le second, etc…

Mais je pense que vous avez deviné que je parlais de Ludwig van Beethoven, dont on va célébrer (en fait, non !) le 250e anniversaire de sa naissance.

Humaniste comme il était, Beethoven n’aurait sûrement pas apprécié que son hymne à la joie soit récupéré par l’Union européenne, vu la chienlit qui y règne !

Il n’est pas question ici de retracer la biographie de Beethoven, Wikipédia fera ça beaucoup mieux que moi !

Simplement revenir sur quelques œuvres marquantes de ce grand bonhomme. Et tout de suite je vais évoquer sa troisième symphonie “héroïque”, considérée comme la première véritablement “beethovénienne” ; il est vrai qu’elle se démarque des deux premières par sa longueur, une marche funèbre magistrale et une partie lente à la fin du quatrième mouvement, ce qui en a désarçonné plus d’un !

La symphonie héroïque a été terminée à l’été 1804. Elle est d’abord dédiée à Bonaparte qui incarnait les idéaux de la Révolution française. Apprenant le couronnement de Napoléon en décembre, il rature le nom de Bonaparte avec une telle force que sa plume troue le papier :


La première répétition fut quelque peu animée : en effet, dans le premier mouvement, au moment de la réexposition, le cor commence une mesure avant l’orchestre, créant une légère dissonance avec les autres instruments. Je laisse la parole à Ferdinand Ries, disciple, élève et ami de Beethoven :

“La première répétition de la symphonie fut terrible, mais le corniste entra pile au moment prévu. Je me tenais à côté de Beethoven et croyant que le musicien avait fait une entrée hâtive, je dis : “Ce maudit corniste ! Ne sait-il donc pas compter ? Cela sonne horriblement faux !” Je crois que j’ai été à deux doigts de me faire chauffer les oreilles. Il a fallu un certain temps avant que Beethoven me pardonne.”

Dans la version que je vous propose, cette entrée intervient à 10’07”. C’est l’orchestre symphonique de Francfort, sous la direction d’Andrés Orozca-Estrada qui interprète l’œuvre. Version rapide avec utilisation de trompettes et cors naturels, plus éclatants !

https://www.youtube.com/watch?v=fhHcty9OM-0

Après les symphonies, les concertos ! Officiellement Beethoven a écrit cinq concertos pour piano mais le nombre réel est six, le sixième étant la transcription pour piano et orchestre du concerto pour violon. 

Là encore c’est le troisième concerto dans lequel le style de Beethoven s’affirme. Il est contemporain de la symphonie héroïque et la première eut lieu à Vienne le 5 avril 1803. Le succès ne fut pas vraiment au rendez-vous, l’œuvre ayant notamment manqué de répétitions. C’est Beethoven qui était au piano mais il n’avait pas terminé la partie soliste, il dut improviser en plein concert !

L’année suivante le concerto fut redonné en public avec cette fois Beethoven à la baguette et Ries au piano. Une anecdote circule à ce sujet : la quasi-totalité des concertos pour piano, de Mozart à Rachmaninov, comportent à la fin du premier mouvement une “cadence”, en fait une partie sans orchestre où le soliste peut faire valoir ses talents de virtuose. Beethoven en avait écrit trois, son élève (Ries) voulait absolument jouer la troisième, la plus spectaculaire et aussi la plus difficile ! Lors des répétitions, Ries a été incapable d’en venir à bout et Beethoven lui a conseillé d’en choisir une autre. 

Mais lors du concert, Ries a choisi la troisième cadence, à la grande inquiétude du compositeur, mais cela s’est très bien passé ! Après le concert, Beethoven a dit à son élève “Vous êtes vraiment un entêté, heureusement que vous vous n’êtes pas trompé sinon je ne vous aurais jamais plus donné de leçons !”. Voilà ce concerto interprété à Vienne avec Leonard Bernstein au soir de sa vie (il voulait enregistrer les cinq mais la mort en a décidé autrement), avec en soliste Krystian Zimerman. Ce dernier a d’ailleurs complété l’intégrale en dirigeant de son piano les concertos 1 et 2. Dommage que la vidéo soit coupée juste à la fin, mais il existe toujours les DVD ! Et naturellement, le pianiste joue la troisième cadence. Excellente mise en images d’Humphrey Burton.

https://www.youtube.com/watch?v=R1QNhRNxvTI

https://www.youtube.com/watch?v=R1QNhRNxvTI

Beethoven n’a écrit qu’un opéra “Leonore”, lequel lui a donné beaucoup de soucis. Donné pour la première fois le 20 novembre 1805, l’œuvre est retirée au bout de… trois représentations ! D’autres versions vont suivre avec à chaque fois une nouvelle ouverture ! Finalement en 1814 l’opéra est enfin terminé et renommé Fidelio avec naturellement encore une nouvelle ouverture. 

Bref on a donc Leonore I, II, III. Une quatrième mouture a été découverte dans les années 60 chez un certain Hoffnung… Ce qui est intéressant c’est que dans les II et III on entend un appel de trompettes en coulisses qui annonce l’arrivée de Don Fernando qui va libérer son ami Florestan qui croupit dans les geôles le l’infâme don Pizzaro… L’ouverture III reste la plus connue et d’ailleurs elle est toujours jouée pendant l’opéra lui-même. Je n’ai pas trouvé de vidéos de Leonore I, seulement des images fixes, voici deux liens, le premier vous montre la partition qui défile au gré de la musique, l’autre est sous la baguette de George Szell, une version sublime !

https://www.youtube.com/watch?v=PHRKUJNj3tU

https://www.youtube.com/watch?v=ErKWJ8MINac

Maintenant, Leonore II :

https://www.youtube.com/watch?v=TwwiBZh5Wys

Puis Leonore III :

https://www.youtube.com/watch?v=dRhwyzJABvI

Enfin Leonore IV :

https://www.youtube.com/watch?v=sWYm9syfFP0

Je vous conseille de visionner Leonore IV tout de suite après la III, vous comprendrez vite pourquoi ! Attention je vérifierai !

Et bien évidemment Fidelio :

https://www.youtube.com/watch?v=w6tK99ytJeI&list=RDw6tK99ytJeI&start_radio=1

On ne pourrait terminer ce petit et bien entendu inachevé voyage sans parler de la Neuvième, donnée en première à Vienne le 7 mai 1824 et composée par un Beethoven complètement sourd. Ce jour-là, le compositeur était assis à proximité du chef d’orchestre Michel Umlauf. Alors que l’œuvre était terminée, Beethoven continuait à feuilleter la partition. Une des choristes est arrivée pour que Ludwig van puisse voir l’enthousiasme du public. Contrairement à l’habitude, non seulement la symphonie comporte un chœur, mais de plus le mouvement lent vient en troisième position. Le scherzo rappellera des souvenirs à ceux qui ont vu “Orange Mécanique !”

Cependant, le 22 décembre 1808, avait été donnée à Vienne la fantaisie chorale pour piano, chœurs et orchestre avec un thème qui annonce déjà celui de l’hymne à la joie. La longue introduction au piano ressemble à de l’improvisation, ce qui est le cas. Le jour de la première, Beethoven a improvisé le début puis il a écrit la partition après. 

Même si j’ai déjà fait paraître un lien sur cette fantaisie, voici une version très émouvante signée Martha Argerich et Seiji Ozawa, du pur bonheur !

https://www.youtube.com/watch?v=GjXBKR4iDS8

Et voilà la cerise sur le gâteau, LA neuvième sous la direction énergique de Paavo Jarvi :

https://www.youtube.com/watch?v=xbZjAxqHYSg&list=PLAE0C7F0F3D4F14F5&index=9 

Bien évidemment il aurait fallu parler des sonates, des quatuors, trios, etc. Mais là, cela nous aurait emmenés un peu trop loin !

Alors bon visionnage à tous !

Philippe Dru