Un écrivain koweitien : Avons-nous produit quelque chose pour l’humanité ?

hamas terrorAvons-nous produit quelque chose pour l’humanité ? S’interroge l’écrivain koweïtien Abdelhadi Al-Gemayyel.

La contestation dans le monde arabo-musulman est en marche. Le monde occidental ignore ce phénomène ou feint de l’ignorer. Ce qui est frappant, c’est que ce phénomène épouvante la classe politique dans le monde musulman. Il suffit qu’un écrivain ose publier quelques réflexions critiques ou politiquement incorrectes dans un journal ou sur un réseau social, pour que la machine policière et judiciaire de son pays se déchaine contre lui, mobilise tous les moyens pour le diffamer publiquement, le condamner arbitrairement et l’écraser moralement.

Le cas de l’écrivain koweïtien, Abdelhadi Al-Gemayyel, en est la preuve. Il est poursuivi par la justice de son pays à cause d’un article publié dans le quotidien « Aâlam al-youm » (Le monde aujourd’hui) et dans lequel il s’interroge sur l’état des lieux lamentable qui incarne l’immobilisme, l’aliénation et la frustration dans le monde arabo-musulman en général et les pays du Golfe en particulier. L’article en question se trouve en arabe sur le lien : www.salahsoltan.com/DoctorNews/1032/Default.aspx

Attristé par les multiples calamités qui sclérosent cette société, Abdelhadi Al-Gemayyel se révolte à travers des questions angoissantes qu’il pose, mais qui sont fondamentalement existentielles. D’autant plus, il est horrifié par l’inexistence de réponses à ses interrogations, donc par l’absence de tout espoir dans un milieu figé, ossifié, totalement insensé.

« Avons-nous produit quelque chose pour l’humanité qui nous permet de se vanter devant le monde entier ?

« Les pays de Golfe ont-ils offert quelque chose à l’humanité autre que le pétrole qui a jailli sous nos pieds en vertu d’une coïncidence historique et suite à des restes de mammouths et de dinosaures ?

« Comment osons-nous manifester notre fierté d’avoir construit des gratte-ciels, comme « la Tour Khelifa », « la Tour du Royaume », « la Tour al-Hamra » et d’autres, alors qu’aucun citoyen du Golfe n’a participé, de près ou de loin, à leur création ni à l’élaboration de leurs plans architecturaux ?

« C’est grâce au pétrole que tout s’est construit autour de nous. Or, le jour de son épuisement, – et il ne me semble pas si loin -, pour atteindre le sommet de ces tours, le citoyen se trouvera obligé de marcher sur des dunes de sable qui engloutiront cette creuse civilisation de ciment.

« Quelle est cette civilisation que nous prétendons construire ou que nous nous attribuons par la force ?

« La civilisation authentique se révèle totalement différente de celle que propagent les gouvernements du Golfe, leurs bouc-émissaires, leurs conseillers, leurs batteurs de tambours ainsi que les porteurs d’encensoirs devant eux.

« Tandis que le monde entier regarde vers l’avenir, nos six pays de Golfe tournent autour d’eux-mêmes comme un fuseau rouillé avec une boussole fourvoyée. Notre vision s’est détournée. Notre gouvernail ne tient plus dans la bonne direction.

« Quand les gouverneurs du Golfe vont-ils se rendre compte qu’ils ne sont pas des dieux, bien qu’ils soient entourés de gens qui les considèrent comme tels ? Ils se mettent à genoux devant eux et ils embrassent leurs épaules, leur nez, leurs mains.

« Quand les gouverneurs du Golfe vont-ils se rendre compte que la légalité ne se réalise pas par l’accumulation des fortunes ni par l’achat des allégeances ni par l’usage des matraques ni par la protection étrangère ?

« L’unique légalité qu’ils doivent protéger et entretenir en permanence, c’est celle qui se trouve dans les cœurs de leurs peuples, encore fidèles et patients, mais qui ne sont plus en mesure de patienter davantage.

« Quand les familles régnantes vont-elles comprendre que le monde actuel n’est plus celui d’autrefois, que les peuples d’aujourd’hui ne sont plus comme ceux d’hier ?

« Quand les familles régnantes vont-elles comprendre que le citoyen du Golfe ne se préoccupera pas de son régime politique lorsqu’il voit que l’avenir de ses enfants est en danger ?

« Quand les familles régnantes vont-elles comprendre que leurs homologues ont disparu de la carte mondiale et que leur maintien dans le Golfe est condamné sans justice ni égalité ni respect des droits de l’homme ni répression des corrompus parmi leurs enfants et leur entourage ?

« Quand les familles régnantes vont-elles comprendre que les lieux de détention bondés n’ont pas sauvé Qaddafi, que Moubarak est tombé d’abord sur la place At-tahrir, que les appareils Mig ont détruit la ville d’Alep sans pouvoir décimer la volonté de ses enfants, que la tribu de Ali Abdallah Saleh l’a sacrifié à un moment historique majeur pour sauver le Yémen ?

« Quand les familles régnantes vont-elles comprendre qu’elles ne vont pas bénéficier du respect des peuples, alors qu’elles ne font rien pour le mériter ?

« Pourquoi les gouverneurs du Golfe veulent-ils que leurs peuples respectent les constitutions et les lois que eux-mêmes n’ont jamais respectées, mais ils les ont élaborées en fonction de leurs intérêts ?

« Pourquoi les familles régnantes dans le Golfe disposent-elles à leur guise de la fortune des peuples comme s’il s’agit d’un héritage familial légal venant de leurs parents et grand parents ? En même temps, leurs porte-paroles s’efforcent de nous convaincre qu’elles mènent une vie plus ascétique que celle du calife Omar ben Abdelaziz.

« Pourquoi laissez-vous certains individus corrompus parler en votre nom ? Pourquoi vous laissez-vous entourer par des agents suspects ? Pourquoi les criminels trouvent-ils refuge auprès de vous ? Pourquoi les gens les plus vils vous défendent-ils ? Pourquoi les conseillers qui cherchent à vous plaire s’accrochent-ils à vous, alors qu’ils sont maudits par Allah et la population ?

« Pourquoi ne lisez-vous pas l’histoire pour apprendre que les révolutions ne s’allument pas automatiquement de rien, mais son étincelle se déclenche dans les cœurs et les esprits, s’embrase dans les rues et explose dans les palais ? »

Malek Sibali

image_pdfimage_print