Victime de Furiani, je n’admets pas la Légion d’honneur du préfet Le Deun

 l’attention de Monsieur Emmanuel MACRON,  président de la République française

Monsieur le Président de la République,

C’est avec stupeur que je viens d’apprendre la décoration, au grade de Chevalier de la Légion d’honneur, ainsi que, tout dernièrement, de l’Officier de l’Ordre national du Mérite, de M. Raymond LE DEUN, actuel préfet du Val-de-Marne, cette dernière nomination ayant été signée par vous-même, par décret du 18 Novembre 2017.

J’en suis profondément blessé.

Permettez-moi de vous faire un rapide rappel du passé. Lors de la terrible tragédie du stade de Furiani du 5 Mai 1992, cette personne occupait la fonction de chef de cabinet du préfet de la Haute-Corse de l’époque, M. Henri HURAND. Il présidait également la commission de sécurité du département.

À l’issue du tristement célèbre procès de Furiani, le verdict de la haute juridiction, dans son arrêt du 24 juin 1997, était on ne peut plus clair:

” Justifie sa décision… la cour d’appel qui déclare le directeur de cabinet du préfet, en sa qualité de président de la commission départementale de sécurité, coupable d’homicides et blessures involontaires, à la suite de l’effondrement d’une tribune ouverte au public …”. 

  1. LE DEUN était donc reconnu coupable d’homicides et blessures involontaires, ayant entraîné la mort de 18 personnes et 2 357 blessés dont 600 graves (dont je fais partie).

Mais ce qui est plus grave encore, c’est qu’il n’a jamais reconnu sa faute. Bien au contraire, il s’est défendu  comme un mort de faim, comme s’il risquait une peine très lourde, alors qu’il ne risquait rien du tout, car les peines auxquelles ont été “condamnés” les responsables du drame ne peuvent être qualifiées que d’artificielles, tant leur insignifiance défiait l’ampleur du désastre. Tout comme M. LE DEUN qui, en se défendant, défiait le regard des victimes auquel il n’avait que du mépris. Je peux en témoigner car j’étais présent au procès.

Tout me laisse à penser qu’étant très jeune à l’époque, vous ignorez sans doute  les circonstances de cette tragédie. Car dans le cas contraire, mon indignation serait d’autant plus grande.  Et pour cause.

Si la nation honore ses hommes qui ont du mérite et qui l’ont servie, elle ne peut en revanche honorer un homme qui lui a porté une telle atteinte et qui a réussi, avec d’autres responsables de ce drame, à transformer le risque 0 % qui doit être garanti par l’État en matière de sécurité d’un lieu public, en 100 % des chances de son effondrement (tous les experts ont été unanimes là-dessus, l’effondrement de la tribune était inéluctable et parfaitement  prévisible à l’avance) !

Car j’aimerais bien que vous puissiez réaliser, Monsieur le Président, que, pendant que certaines personnes, tel est le cas de M. LE DEUN, se voient distribuer les Légions d’honneur et autres titres, avec tous les hommages de la République, sans doute pour honorer leurs services à la nation, d’autres, comme résultat de ces services, marchent depuis des années leur  calvaire, cloués dans un lit de douleur, dans l’oubli et l’indifférence la plus totale. Que, dans ce cas précis de M. LE DEUN,  le résultat de ses services à la nation est un immense malheur, des familles qui ont perdu les leurs et qui sont à jamais meurtries, les blessés dont je fais partie, qui vivent un véritable martyr, d’un lit à un fauteuil, et pour certains  des plus graves, en reprenant la célèbre expression de Jacques BREL, “du lit au lit”, privés à jamais de liberté, dans la souffrance dont seul celui qui est passé par là peut apprécier sa juste valeur. Et leurs familles respectives, dévastées et ruinées à jamais dans tous les sens du terme.

Je vous rappelle que cela fera 28 ans, le 5 mai 2020, que ce drame a eu lieu. Même les condamnés aux lourdes peines ont la période de sûreté de 22 ans et, passé ce temps, dans la très grande majorité des cas, retrouvent leur liberté. Et nous, les victimes de cette tragédie, c’est un malheur et une souffrance à perpétuité auxquels nous sommes condamnés sans avoir rien fait, pour avoir simplement fait confiance aux services de l’État et à ses fonctionnaires, comme M. LE DEUN, qui ont tout simplement liquidé nos vies.

Comme je l’ai déjà dit dans une de mes lettres à M. Le préfet de la Haute-Corse, j’aurais préféré passer 15 ans de bagne, même dans les conditions les plus dures, même condamné à tort (j’aurais signé sans hésiter un seul instant !), plutôt que de vivre dans cet état. Car, quel que soit le cas de figure, mort ou vif, je serais déjà libre depuis longtemps et non pas emprisonné dans ce néant, dans cet “invivable invivable” dans lequel ma vie  s’est figée, depuis ce drame, dans cette antichambre de la mort  que je vois venir depuis longtemps,  depuis cette soirée du 5 mai, où je l’attendais dans les couloirs de la Miséricorde à Ajaccio, avant mon transfert à Marseille, en m’étouffant du sang que j’avais dans les poumons, et où aujourd’hui, 28 ans plus tard, je me rends compte que je l’attends encore… J’en ai pris une telle conscience que la dépression est un bien faible mot pour décrire ce ressenti de la réalité à 100 %, qui balaye tout sur son passage et qui n’a pu être mieux exprimé que par Jean-Baptiste DUMAS, un des journalistes très grièvement blessés lors de cette catastrophe, qui s’est donné la mort en novembre 1994, ne pouvant plus résister aux terribles séquelles de ses blessures : il se croyait mort et disait rêver qu’il était vivant…

Alors, je pense, ô combien ont raison les signataires de la pétition qui vous est destinée (je vous en joins copie), à laquelle j’adhère totalement et dont permettez-moi d’en citer un extrait : 

“… si monsieur Raymond Le Deun avait un tant soit peu d’honneur, il serait conscient qu’il aurait pu empêcher ce drame ! 

Si monsieur Raymond Le Deun avait un tant soit peu d’honneur, il aurait refusé de telles décorations en mémoire des victimes, des enfants de la patrie !”

Si, rajouterais-je, monsieur Raymond Le Deun avait un tant soit peu d’honneur, il aurait dû surtout, depuis longtemps déjà,  demander pardon aux victimes, sa seule “Légion d’honneur”  à laquelle il aurait pu  espérer humblement et son seul mérite qui, éventuellement, tant bien que mal, aurait pu lui être accordé,  si toutefois, bien entendu, il avait eu la volonté d’en faire preuve. Ce qui, à l’évidence, n’a pas été le cas et ce qui veut bien dire que d’honneur, il n’en a pas.

Devant une telle attitude, je pense que, comme dans toutes choses, il ne faut pas non plus exagérer. Je pense que vous en conviendrez vous-même, Monsieur le Président, qu’à moins d’être une pure erreur, y compris de votre part, ces nominations, au-delà de leur aspect choquant, ne peuvent être qualifiées que d’ouvertement cyniques et outrancières.

Je pense enfin que, sincèrement, cette personne n’a rien à faire aux côtés de ceux que vous venez de décorer par la même distinction, à titre posthume, à l’instant où je vous écris, et ceux qui seront décorés, également à titre posthume, dans quelques jours (je parle, bien sûr, des militaires morts au Mali et des sapeurs-pompiers péris dans les intempéries dans le Sud). Ceux qui ont eu le courage et n’ont pas hésité à mettre en péril leurs vies pour essayer d’en sauver d’autres, comme vous l’avez très justement fait remarquer, avec beaucoup d’émotion, dans votre discours. Et lui qui n’a même pas eu le courage (alors qu’il ne risquait rien !) simplement de reconnaître sa faute  pour avoir contribué à en esquinter autant… Comme on dit, il n’y a pas photo.

Je vous demande solennellement, Monsieur Le Président, en mon nom et au nom de toutes les victimes qui sont tombées avec moi, ce soir-là, de revenir sur votre décision et de retirer à M. Raymond LE DEUN toutes les décorations qui lui ont été décernées, à savoir l’Ordre national du Mérite et la Légion d’honneur, car il n’en mérite aucune, et prononcer son exclusion définitive de l’Ordre.

Et l’on verra si, dans son insolence, il poussera le bouchon jusqu’à aller contester votre décision, la seule qui serait juste et qui s’impose dans de telles circonstances, et où le contraire serait tout simplement la profanation de la fonction publique, la profanation de l’État, garant de la sécurité, la profanation de la mémoire des victimes et de l’ensemble de nos concitoyens dont je vous invite vivement de découvrir l’opinion à ce sujet, à travers leurs innombrables commentaires que je vous joins et dont l’éloquence, dans bien des cas, n’a d’égale que la vive indignation qu’ils expriment tous, chacun à sa manière, et que je partage entièrement. Un exemple – pour n’en citer qu’un –

“Parce que c ‘est une honte et que ce cas est aussi très représentatif  d’un certain système français.” 

Un système, permettez-moi ce dernier commentaire pour terminer cette lettre, où la plus haute distinction, telle la Légion d’honneur, donne à elle seule, hélas, pas mal d’exemples qui illustrent ce système à merveille. Un système qui, tant qu’il y aura ce genre de nominations, perdurera, où d’autres “Furiani”, dans d’autres circonstances, auront lieu,  et ni les grands débats, ni les grandes reformes n’arriveront à le mettre  à mal un seul instant.

Pour en revenir à M. Raymond LE DEUN, s’il conteste cette décision, celle que je vous demande de prendre, il aura atteint ainsi les sommets de l’indignité et restera pour toujours dans la mémoire collective comme un bien triste personnage.

Voilà, Monsieur le Président, ce que j’attends de vous.

En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à ma lettre, et dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’assurance  de ma plus haute et très respectueuse considération.

Yvan OTTAVIANI

PS : je peux envoyer des documents complémentaires à quiconque me les réclamera, en m’écrivant à cette adresse.

[email protected]

Lire également :

https://ripostelaique.com/legion-dhonneur-pour-le-prefet-le-deun-malgre-les-18-morts-de-furiani.html

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14 Commentaires

  1. Les décorations font partie du “paquetage” des zélites.
    Regardez aussi nos Généraux avec leurs “tapis” de décorations jusqu’au sol !
    Légion d’Horreur ou simple… décoration hivernale à l’approche de Noël ?

  2. Votre courrier est louable mais connaissant l’affection que notre président des riches et des incompétents de son gouvernement porte aux racailles de tout poil, je doute que votre missive, aussi émouvante soit-elle, reçoive un écho favorable de la part de celui qui a été porté sur le trône de l’Élysée par défaut…

    Navrée de vous peiner mais être lucides permet de relativiser la portée de nos doléances.

    En outre, distribuer à tout va la Légion d’Honneur comme cela se banalise ces dernières années ne signifie plus rien par voie de conséquence, c’est comme à force de donner des perles aux pourceaux, celles-ci perdent de leur valeur intrinsèque.

  3. Vous avez absolument mais malheureusement cet individu a fait l’Ecole Nationale des Anes ena et celui que vous appelez président n’est autre qu’un sale individu. Depuis qu’il m’a insulté d’alger pour moi il n’est pas mon président.

  4. La légion d’honneur a t-elle encore un sens?.
    Lorsque l’on voit le panel à qui elle est accordée, enfin, çà été de tout temps, même certains collabos des années 40 en ont été décoré de cette horreur!.
    Devant le chaos Français d’aujourd’hui, les préfets bras droits du pouvoir en place sont-ils encore à la hauteur pour prendre les bonnes décisions, tout part en couille dans ce pays!.

  5. Bravo Yvan pour cet article qui fait apparaître l’ abîme qui existe entre ces dirigeants auto proclamés et le peuple !! Ni scrupule, ni moralité …………A vomir !!!!!!

  6. Les préfet . . . . . rien à dire ou alors trop ! Ces parasites nommés, possédants des pouvoirs énormes, afin de juguler toute manifestation, toute rumeur, même et surtout émanant de la voix du peuple.
    Une planque aux copains collabos du pouvoir, à qui l’on ne pouvait donner un ministère en récompense de leur obséquiosité.

  7. L’honneur n’est pas au programme de l’ENA.
    Il est probable que l’apprenti comédien qui dort à l’Elysee ne réagira pas à ce courrier.

  8. J’étais à Marseille en mission de visite de stages le lendemain matin de la catastrophe de Furiani..Je me souviens de mon saisissement à voir les ambulances hurlantes et les hélicoptères à la Timone, près de mon lieu de r.v.
    Ca a été un choc que seul l’attentat de Tati rue de Rennes 5 ans avant , avait pu inscrire dans ma vie de témoin après coup . Jamais oublié. Pendant ce temps, l’inénarrable histrion auquel s’adresse Y. Ottaviani tentait en vain de s’infiltrer à normale sup , confiant en son succès gérontophile . Ne perdez pas votre temps, Monsieur.
    Le maqueron n’a pas de mémoire. L’histoire il l’a niée depuis son début. Pas d’histoires!

  9. Très touchante lettre..
    Mais si on commence à faire la liste des responsables d’État ayant été “responsables mais pas coupables”, escrocs, dévoyés, traîtres et margoulins, et fait l’objet d’éloges nationales et de décorations illégitimes, alors il faut commencer un bottin… je me suis même laissé dire qu’il y en avait au Conseil Constitutionnel..
    C’est ça qui , en partie, tue la France et c’est vraiment dommage.

  10. (suite)
    Je me souviens à l’époque d’un tract émanant de proches de certaines mouvances nationalistes exigeant que Filippi soit innocenté de toute charge et que les représentants de l’État colonial soient emprisonnés !
    Qui étaient ces représentants ? Le préfet, son cabinet et les pompiers ! Corps préfectoral et pompiers ont donc été mis en examen ! Inutile de dire qu’ils ont été, et c’est heureux car il reste encore une justice, relaxés.
    Quant à l’honnête Filippi, il a été mystérieusement assassiné peu de temps avant le procès. Ses affaires étaient tellement transparentes qu’il n’était même pas certain que ce meurtre fût lié à l’affaire de Furiani.
    Mais bon, visiblement, en 2019, il reste des gens en France qui pensent que les coupables sont ceux qui ont été acquittés. C’est regrettable.

  11. Je ne pensais pas voir encore ces ignobles accusations en 2019.
    Rappelons que le président du club bastiais qui avait exigé que l’on multiplie au dépens de toute norme de sécurité les places du stade était l’ “honnête” Jean-François Filippi, chef d’entreprise qui jouissait d’un étrange monopole de fait sur les très rentables locations de voitures de l’aéroport de Bastia. Et ce n’est pas le maire de la commune qui allait lui mettre des bâtons dans les roues puisque c’était lui-même.
    Donc quand Jean-François Filippi a dit qu’il fallait faire construire des tribunes provisoires, on avait intérêt à lui obéir ! Peu importait que tout soit bâclé, l”essentiel était que cela soit prêt à temps !
    Ce qui devait arriver est arrivé.
    Mais c’est ensuite que les réseaux de Filippi se sont déchaînés…

      • Occupez vous de vous achetez une moralité pour éviter que des sans dents ou avec dents ne soient plus victimes de vos initiatives douteuses

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