Lire le rapport Attali n’est pas ce qu’il y a de plus folichon mais la lecture n’en est pas moins indispensable pour une critique étayée sur le rapport et non sur commentaires des médias rapidement éclipsés par l’affaire de la Société générale. Après cette lecture fastidieuse, on est frappé par l’absence globale de souffle, de dynamisme, d’originalité du dit rapport et des 316 propositions. Très honnêtement, on reste surpris de la platitude des propositions que l’on a déjà peu ou prou déjà lues dans maints rapports et dont une bonne partie est déjà à l’oeuvre. En dehors de promouvoir l’e-administration, les nouvelles technologies et l’ADSL, quoi de neuf ? Les mots les plus utilisés sont mobilité, flexibilité. Franchement, est-ce supprimant le statut de la fonction publique, en limitant le nombre de ministères, en créant des agences (réforme engagées depuis dix ans déjà ), en mettant fin aux professions réglementées (coiffeur, notaires pharmaciens, taxis devançant en cela les négociations de l’OMC de libéralisation des services qui n’ont pas abouti) que l’on va relancer la croissance ? Faciliter les licenciements, ouvrir en grand l’immigration, instaurer des quotas de diversité pour toutes les élections. Toutes ces propositions s’inscrivent totalement dans la politique libérale vantée par la commission de Bruxelles. On trouve sur le site de la forge (www.laforge.fr), une analyse intéressante bien que les membres de ce think tank s’accrochent à l’idée que les propositions Attali sont mauvaises car de droite alors qu’elles sont libérales et ont été proposées par des experts de gauche et de droite qui sont d’accord depuis très longtemps pour balayer tous les acquis sociaux issus de l’après guerre. Ils veulent aussi s’en prendre à l’histoire de France comme l’illustre l’idée de supprimer le département issu de la révolution pour privilégier comme le veut l’Europe la région et mettre fin aux Etats nations. De plus, on ne voit pas bien en quoi ce programme permettrait de gagner des points de croissance. Déjà , on peut s’interroger sur ce qu’est la croissance. Prendre comme référence le taux de croissance de la Chine, de l’Inde (ou de la Russie qu’ils oublient souvent) n’a aucun sens. Les taux de croissance sont relatifs et des économies qui décollent ont forcément des taux de croissance beaucoup plus élevés que ceux des pays déjà fort développés. Ensuite, quelle croissance ? Déjà dans les années soixante, le MIT s’était posé la question. La croissance pour le bien être des peuples, oui. La croissance réservée à quelques uns ou destructrice de la planète quel intérêt ? On attend avec intérêt le rapport demandé à Joseph Stiglitz mais d’ores et déjà on peut se demander comment le Président de la République pourra concilier le rapport Attali et celui de Stiglitz. Mais sans attendre, on ne peut que constater que le rapport Attali n’apporte aucune idée neuve. On comprend mieux l’absence d’originalité de ce flot de mesures lorsque l’on consulte la liste des membres de la commission. En effet, tous ces braves gens (enfin c’est une manière de parler) ne sont pas nés de la dernière pluie, tous sont passés par Polytechnique ou par l’ENA, sont sortis des mêmes moules à penser. Un bon nombre a fréquenté le monde des grands groupes financiers, les grandes entreprises les cabinets de Madame Aubry comme de Virville, ou les sénacles de gauche comme Hervé Le Bras, Jean Kaspar..Tout cela fleure bon l’idéologie libérale de bon aloi. Ajoutez y quelques parlementaires européens pour venir faire la leçon à la France et on nous sort le couplet habituel : « regardez comme les autres font bien et comme la France est en retard…Pourtant, avec leur mondialisation chérie, la roue tourne très vite et les modèles qu’ils nous vantent ont fâcheusement tendance à s’effondrer avant même que l’encre des imprimantes soit sèche : ainsi l’Espagne montrée en exemple sur l’immobilier…pourtant l’immobilier est en train de s’effondrer totalement laissant des travailleurs immigrés venus en masse sur le trottoir, les propriétaires à la rue, les agences immobilières sur le carreau, les promoteurs au bord de la crise de nerf, etc..Ils évoquent même le système américain qui permet si facilement d’être propriétaire ! Ils osent vanter également la rénovation des services publics britanniques ! Evidemment vus l’état où les a mis Tatcher, il était grand temps d’essayer de les sauver ! Tous ces experts auto-proclamés ont déjà participé à de nombreuses commissions et ont certainement fait travailler dans l’ombre les hauts fonctionnaires qui maîtrisant la technique du « copier- coller », ont pu ressortir les propositions en réserve depuis des décennies. C’est très frappant sur l’immigration où ce qui est écrit reprend des formules rabâchées depuis vint ans. Cette absence totale d’originalité rend encore plus insupportable l’arrogance et la suffisance de Monsieur Attali, notamment son mépris à l’égard de personnalités politiques et des élus en général comme le pauvre Gloasguen qui dénonçait à juste titre la République des experts. Il serait grand temps (la rupture !) de sortir du carcan mental de ces pseudo experts qui occupent la galerie depuis si longtemps et nous ont mis dans cette situation désastreuse. Car Monsieur Attali n’est pas tout neuf : qu’a t’il fait comme président de la BERD ? et son programme de crevettes au Bengladesh ? Monsieur Attali, on vous a assez vu, vous et vous copains auto- proclamés experts. Place aux autres. La mondialisation, ça fait vingt ans que vous nous en vantez les mérites. L’Europe vous nous l’avez vendue avec la promesse de l’Europe sociale : j’ai encore en mémoire les discours de Martine Aubry, d’Elisabeth Guigou et l’on découvre qu’il n’y a même pas de salaire minimum pas ; non pas en Bulgarie mais en Allemagne ! L’euro nous a été vendu aussi en nous promettant qu’avec une monnaie unique, on allait voir ce qu’on allait voir, la concurrence allait marcher à fond, les prix baisser, le chômage diminuer. La zone euro est celle où le taux de croissance est le plus faible. Alors croyez vous que les experts mordent la poussière et se confondent en regrets ? Que nenni. Ils en veulent toujours plus. Au lieu de battre leur coulpe, ils s’entêtent, ils s’obstinent. Et comme ils n’ont que mépris pour le peuple, pour la souveraineté, ils se gardent bien de participer au jeu électoral. Comment s’en débarrasser ? Pourtant, il serait grand temps d’avoir des idées neuves : face à la mondialisation, au capitalisme débridé, à la spéculation mais aussi aux nécessaires remises en cause du développement, de vastes chantiers devraient être mis en oeuvre dans un cadre mondial équilibré où les peuples seraient protégés des va-t-en guerre et des exploiteurs. La pénurie de matières premières non renouvelables pourrait être un moteur de croissance comme le fût au siècle dernier le chemin de fer. L’aménagement du territoire, la construction de logements, les modes de transports ferroviaires, fluviaux) doivent faire l’objet d’une planification à vint ans, d’investissements qui sont porteurs d’investissements utiles et de croissance maîtrisée. Il y a beaucoup à penser et à faire. Mais on ne peut compter sur ceux qui squattent indûment les instances de réflexion toujours dans le même sens. Il serait grand temps qu’ils passent la main et qu’enfin l’imagination, la créativité s’expriment, enfin, dans l’intérêt des peuples.
Gabrielle Desarbres
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